Guitare électrique : la quête de puissance
Le problème fondamental de la guitare : son manque de volume sonore quand elle se trouve au sein d'un ensemble, a longtemps occupé l'esprit des luthiers. Des avancées, certes remarquables, furent réalisées concernant l'amplification mécanique des vibrations au XIXe, indépendamment par Torres et Martin. Les prouesses techniques de ces deux facteurs changèrent clairement la donne : la guitare envoyait plus de décibels et l'instrument pût désormais briller dans un petit groupe, ou dans un ensemble… de guitares, mais au sein d'un orchestre, sa présence peinait toujours à se faire sentir ; elle se trouvait fatalement reléguée à un rôle d'accompagnement rythmique.
Révolution technologique :
L'arrivée du micro et celle de l'amplificateur électronique, au début du XXe, sonnèrent comme une lumière au bout du tunnel. Après des siècles de vache maigre, des vies entières perdues à pousser la chansonnette dans les salons de vieilles dames fortunées, des vies passées à l'ombre des trompettes, des saxophones et des clarinettes, le soleil de l'amplification, enfin, allait pointer ses rayons sur les guitares et regonfler suffisamment leur cœur pour qu'elles s’élevassent, telles de petites montgolfières musicales, au niveaux sonore des bois et des cuivres. Joie, célébration.
On installa donc crânement des micros électrostatiques devant les guitares, pour très vite s'apercevoir que les autres instruments venaient parasité la source principale, ruinant l'opération. Déception, tristesse.
Puis vint la révélation : Et si un micro électromagnétiques étaient placés directement sur une
guitares à cordes métalliques ? L'idée tomba plus ou moins au même moment dans la tête de plusieurs inventeurs à la fin des années 1920.
Premières tentatives :
En 1928, Stromberg et Voisinet furent les premiers à commercialiser une ligne de guitares électriques, dont le micro était placé à l'intérieur de la caisse de résonance (fig. 1). Le résultat ne fut pas probant et quand bien même, l'entreprise fut balayée par la crise de 29.
Comprenant dès le début des années 1930 qu'une caisse de résonance n'est pas nécessaire à la production d'un signal électrique basé sur la vibration des cordes, Tutmarc démarra la production et commercialisa des guitares électriques à corps plein ''solid body'' (fig. 2).
En parallèle, Beauchamp, pour le compte de Rickenbacker, développa une guitare hawaïennes électrique à corps plein (fig. 3), joliment surnommée Frying Pan (poêle à frire) en raison de sa forme et équipée d'un capteur électromagnétique de
son cru. Cependant, ce système de micro passant au-dessus des cordes, trop gênant, ne fut repris par personne.
Essor :
Malgré ces expériences honorables et antérieurs, ce fut l'entreprise Gibson qui décrocha le premier succès commercial, en 1936, avec la ES-150 (fig. 4).
Cette guitare de type Jazz, était équipée d'un seul micro à barrette, placé en haut de la table sous le manche. Le modèle reçu la meilleure des publicités en devenant le joujou du jeune guitariste prodige Charlie Christian et s'écoula à plus de 500 exemplaire la première année.
Les guitaristes d'orchestre acquéraient finalement une voix, une présence discernable digne de leur virtuosité. Victoire!
A la recherche de sons nouveaux :
Au-delà de la seule puissance, les musiciens se sont vite rendu compte qu'ils pouvaient moduler le son de leur guitares en jouant sur différents tableaux : la hauteur et la commutations des micros, la tonalité, la sensibilité d'entrée de l’amplificateur. Ils avaient affaire à un nouvel instrument aux possibilités bien plus larges qu'une simple guitare acoustique. Les modèles à corps plein, comme la telecaster (fig. 5), offraient un meilleur sustain ainsi qu'une résistance à la tension supérieure autorisant des effets de cordes plus nombreux, ils furent préférés aux hollow body (corps creux) à partir des années 1950.
Ce nouveau champs d'exploration s'ouvrit d'avantage au cours des années 50 avec l'amélioration des amplis et 60 avec le développement des pédales d'effet. C'est grâce à ces machines à torturer le signal que les rockers de tout poils ont pu pousser la guitare dans ses derniers retranchements.