Origines de la guitare classique
En dehors de son irrésistible faculté à se faire détruire sur scène durant la fin du XXe siècle, la guitare est un objet aux multiples visages. Une de ces tronches, notamment quand on lui pince les moustaches, émet des...
Origines de la guitare classique
En dehors de son irrésistible faculté à se faire détruire sur scène durant la fin du XXe siècle, la guitare est un objet aux multiples visages. Une de ces tronches, notamment quand on lui pince les moustaches, émet des sonorités versatiles. Et c'est cette capacité, certes moins théâtrale et généralement moins cathartique, qui nous intéresse ici.
Genèse :
Au commencement était un paquet de variantes du même trio manche-coffre-cordes dont les esquissent furent tracées à Babylone, par des prêtres, presque 2000 ans avant J.C. Nous en retrouvons, quelques siècles plus tard, une version pourvue de frettes en Égypte, une autre à Rome, toute en bois et percée de petites rosettes, aux alentours du IIIe. Enfin, suite à la conquête arabo-musulmane du VIIe, les Maures diffusèrent leur oud (luth) à travers l’Europe et particulièrement en Espagne où allaient cohabiter deux version de l'instrument : une mauresque, une latine. Cette dernière préfigure la forme de nos guitares modernes.
Cependant, le volume sonore que ces latines développaient était relativement faible, ce qui limitait l'instrument à la musique de salon et malgré divers tentatives, aucun progrès majeur n'est réalisé dans ce sens avant le XIXe.
Révélation :
Durant les années 1840, Antonio Torres, luthier espagnol, étudiait de manière scientifique la façon dont le coffre amplifie le son des cordes. Il comprit que l'élément fondamental était la table d'harmonie et alla jusqu'à fabriquer une guitare pourvue d'éclisses et d'un fond en carton pour en persuader ses contemporains. Torres élargit le coffre, réduisit l'épaisseur de cette table et confectionna des guitares dont la puissance sonore n'a rien à envier aux productions actuelles.
Par ailleurs, il synthétisa et perfectionna divers techniques de facture : le barrage en éventail (voir fig.) qui enrichit la sonorité, le chevalet collé, et enfin standardisa la guitare à tout les niveaux : forme du coffre, structure de la touche, longueur du manche et des cordes. Torres définit le cadre dans lequel la guitare classique pouvait évoluer.
Parallèlement à cette révolution de la lutherie, Francisco Tarrega, virtuose espagnol, réinventait la technique de jeu en positionnant ses mains à la perpendiculaire des cordes plutôt qu'en biais. Le gain en agilité, en sonorité et les possibilités offertes par cette position donnèrent un souffle nouveau à l'instrument. Et cette approche fît école : les nouvelles générations de guitariste se l'approprièrent et l'enrichirent. Ce style finit par éclipser les anciens pour devenir la norme.